« Alors Sarah, tu rentres chez
toi en novembre, c'est ça ?
- Oui, oui absolument, fin novembre.
- Et après, qu'est-ce que tu vas
faire ?
- Euh, revoir mes amis, passer Noël
en famille pour commencer, et puis l'année prochaine,
j'improviserai.
- Tu pourrais te marier...
- C'est à dire que... j'ai pas
l'intention de me marier non.
- Mais, tu as quel âge ?
- Vingt et un.
- C'est l'âge de se marier !
Pourquoi tu ne veux pas te marier ? Tu ne veux pas avoir d'enfants ?
- Ah si si ! J'en ai bien
l'intention, mais pas avant d'avoir 25 ans, en tout cas.
- Ah ! Alors tu vas te marier plus
tard ?
- Non, non, je viens de vous dire
que je voulais pas...
- Mais tu ne vas pas avoir d'enfant
hors mariage quand même ?
- Ben, si. C'est l'idée.
- Mais alors le père des enfants,
il pourra aller voir d'autres femmes, et toi d'autres hommes ? Et il
pourra te quitter n'importe quand ? Ce ne sera pas une vraie
famille.
- Et les hommes burundais, tu crois
que le mariage les rend fidèles ? Tu sais, le mariage, de nos
jours...
- Au Burundi c'est punissable par la
loi ! D'avoir des enfants hors mariage.
- J'ai entendu oui. En France, c'est
assez commun par contre.
- Pfffff. »
Ceci est une conséquence directe de
l'omniprésence de la religion dans la société burundaise. Une
jeune fille de mon âge ne peut avoir d'autre préoccupation que
celle de se trouver un mari. Je ne compte pas les personnes qui m'ont
proposé de me présenter à leur fils, neveu ou autre. En général,
je décline poliment sans m'épandre sur le sujet, mais avec les
personnes plus proches, j'ai pu aborder le sujet plusieurs fois,
notamment avec mon assistant, marié et père d'un enfant et un en
préparation. Édouard commence à comprendre mon point de vue,
d'autant plus qu'il a récemment fait un cours sur les familles
recomposées et le statut du mariage en France. Les chiffres ont pu
lui prouver que j'étais loin d'être la seule à penser que « vivre
dans le péché » était la meilleure option.
C'est absolument inconcevable au
Burundi. La femme burundaise se range nécessairement dans l'une de
ces trois catégories à l'état civil :
inkumi, la petite fille, la
vierge. Terme infantilisant s'il en est.
umugore, la femme mariée, bientôt
mama. Ici, les femmes ont encore de nombreux enfants pour les
raisons que l'on connaît (ignorance ou refus de la contraception,
mortalité infantile élevée, etc.) mais la première raison, c'est
qu'on accède à un réel statut social seulement si on porte des
enfants. La femme qui n'est pas mère n'a simplement pas sa place
dans la société burundaise.
umupfakazi, la veuve, qui selon
son âge peut prétendre à un éventuel remariage.
Ici, je n'ai jamais rencontré la
moindre femme divorcée, le sujet est tabou, et s'il existe un verbe,
on note l'absence de mot pour désigner la « divorcée »...