mardi 27 novembre 2012

Le temps qui reste


Dire que je pars, et que je ne vous ai pas encore parlé de la moitié des sujets que je voulais aborder sur ce blog. Je n'ai certainement pas réussi à casser tous les clichés que l'on peut avoir sur l'Afrique. Je ne sais pas pourquoi je me suis sentie investie d'une mission journalistique que je n'aurai pas réussi à remplir, faute de temps. Il aurait fallu vous dire encore les différents quartiers de Buja, chacun avec sa personnalité propre.

Kanyosha, la commune populaire par excellence, qu'on pourrait s'imaginer peuplée de bidonvilles, mais finalement pas tant que ça. Le centre-ville, plutôt propre car entretenu par un grand nombre de femmes employées par la ville et que l'on voit se casser le dos à longueur de journée pour couper la pelouse sur les grands boulevards ou bien balayer les trottoirs, véritables Sisyphes. Mon quartier dont les fossés sont de plus en plus encombrés de mauvaises herbes car depuis juillet, quand le Président a levé pour un mois l'obligation des travaux communautaires du samedi matin, plus personne n'a voulu remettre la main à la pâte. Désormais, c'est sommeil communautaire.

Les transports. Les mini-bus dans lesquels on se tasse à 20 personnes quand, en France, on ne logerait pas à neuf. Les chauffeurs alcooliques qui se croient toujours prioritaires et ne regardent même pas les piétons. Les routes pleines de trous qu'on a fini par apprendre par cœur. Les vélos surchargés de paille non encore séchée ou de bidons vides qui traversent la plaine de l'Imbo. Les vélos qui remontent vers Bugarama et franchissent les quelques 1000 mètres de dénivelé en s'accrochant au cul des camions. On en voit parfois une quinzaine par camion. Les accidents de la route... et toutes ces raisons qui font que je n'ai pas pris le volant une seule fois depuis le début.

Les magasins improvisés dans des containers. Les kiosques en bois pourris où on peut acheter des unités pour son téléphone, des beignets et n'importe quoi, en fait. Les vendeurs à la sauvette sur les bords de route et que l'on siffle en passant pour qu'ils accourent vers notre véhicule avec aux mains des cigarettes, des unités ou des bananes. Les alimentations qui peignent sur leurs murs les produits qu'ils vendent, comme celle qui est proche de la cathédrale et qui propose des serviettes hygiéniques.

La manière dont les gens parlent français ici, avec tout plein de belgicismes. Le fait qu'au bout de neuf mois, je prononce le t à la fin du mot « vingt », et qu'on ne dise plus que « septante » et « nonante ». Le kirundi que je n'aurai jamais appris.

Et puis j'ai oublié un peu ce que j'écrivais au début. Est-ce que je vous ai dit qu'on sifflait les serveurs ? Que les gens ici avaient très peur des chiens ? Paraîtrait en effet qu'ils mangeaient les cadavres durant la guerre civile.

Ah la la. J'ai pas fini, j'ai pas fini...

lundi 26 novembre 2012

Derniers voyages

Et voilà, il semblerait que j'accomplisse l'exploit de passer 9 mois au Burundi sans être jamais allée voir « la source la plus méridionale du Nil ». J'aurai également raté la fameuse pierre Linvingstone-Stanley où l'on dit que les deux grands explorateurs se sont rencontrés. (Ce qui est absolument faux, d'ailleurs, ils se sont rencontrés sur l'actuel territoire de la Tanzanie et ont décidé de planter la pierre après avoir voyagé déjà un moment et être arrivés au Burundi). Je n'aurai pas parcouru les 50 mètres qui me séparaient de l'unique monument touristique à voir à Nyanza, et j'ai pris seulement une trentaine de photos de mes deux derniers week-ends dans le sud. Je suis décidément, et malgré mes efforts, une bien piètre touriste.

Kigoma, week-end prolongé de début novembre. Nous sommes 14 à partir, nous louons à cet effet un mini-bus et emmenons quelques toiles de tente. Seul objectif : se reposer et profiter du Tanganyika. Moment le plus agréable : seule sur la plage de sable rouge, le lendemain matin.

Coup d'oeil à droite

Coup d'oeil à gauche


 Nyanza, deuxième édition, week-end suivant. Séminaire organisé par France volontaires pour témoigner du volontariat et produire des supports de communication. Rencontre des volontaires travaillant au Rwanda. Dernières baignades dans le lac. Concours de moustache pour ces messieurs. Moment le plus agréable : refaire le Burundi avec Delphine et Alexis, assis sur la plage devant un feu de camp.

dimanche 25 novembre 2012

Connexion


Encore un truc que je suis vraiment contente d’avoir fait avec mes étudiants : depuis qu’ils se préparent au niveau B2, nous écoutons tous les matins à huit heures les informations sur RFI (Radio France Internationale).

Cela leur permet de :
  • Se faire une idée de la situation géopolitique actuelle, afin de briller en société ;
  • Découvrir chaque jour ou presque un nouveau pays ;
  • Savoir ce qui se passe au Kivu, cette région de la RDC qu’on voit de l’autre côté du lac et qui se fait actuellement envahir par les rebelles du M23 ;
  • Connaître un peu mieux la France, ses beaux engagements (comme celui de reconnaître la coalition syrienne immédiatement) et ses côtés plus sordides ;
  • Apprendre à écouter un bulletin d’information en langue française, avantage conséquent

C’est vraiment chouette cette radio, et même si elle est très tournée vers l’Afrique de l’Ouest (ah, Françafrique, quand tu nous tiens), elle reste un lien solide avec le monde occidental pour ceux qui comme moi n’ont ni télévision ni internet au quotidien. De plus, certaines émissions culturelles se laissent bien écouter, comme par exemple l’émission « En sol majeur » qui parle de métissage, de mélange des cultures, d’Histoire et d’histoires tous les jours à 10h temps universel, soit pile pour ma pause de midi.

Autre lien important avec la culture française : l’Institut Français qui, malgré nos récents démêlés, m’aura été bien utile tout au long de cette année. Il propose, outre des cours de français, kirundi et kiswahili, une chouette médiathèque où j’empruntais deux romans par semaine à une époque où je me croyais en vacances, la seule vraie salle de concert de la ville et un petit restaurant appelé L’échiquier qui est l’un des rares à servir de la banane plantain en accompagnement de ses brochettes. Il est l’unique pôle culturel de la ville, on y trouve des expositions, du théâtre, pas mal de concerts, bref heureusement qu’il est là.

(J’en suis à mon cinquante-deuxième livre de l’année, sans compter ceux que j’ai lu pour mon mémoire. Je crois que j’ai un problème de dépendance.)

samedi 24 novembre 2012

(In)sécurité


Un court passage extrait de The constant gardener, de John Le Carré, qui décrit les différents moyens utilisés pour protéger les maisons.

« Les Woodrow habitaient une maison en moellons aux fenêtres style Tudor à petits carreaux cathédrale, sise parmi ses nombreuses semblables au cœur d’un vaste jardin à l’anglaise sur la colline du faubourg chic de Muthaiga, à deux pas du Muthaiga Club, de la résidence du haut-commissaire britannique et des somptueuses demeures des ambassadeurs de pays dont on ignore jusqu’à l’existence avant d’emprunter ces avenues sous haute protection et de remarquer leur nom sur une plaque entre deux pancartes « chien méchant » en kiswahili. Après l’attentat à la bombe contre l’ambassade américaine de Nairobi, le Foreign Office avait fourni à tout le personnel du rang de Woodrow et au-dessus des portails en fer antichocs dûment surveillés nuit et jour par des brigades de Luhyas exubérants assistés de moult amis et parents. Les mêmes esprits avisés avaient ceint le jardin d’une clôture électrifiée surmontée de barbelés tranchants en rouleaux et de projecteurs qui brillaient toute la nuit. A Muthaiga, la hiérarchie s’applique en matière de sécurité comme dans tant d’autres domaines : pour la roture, tessons de bouteilles sur mur en pierre ; pour la petite noblesse, barbelés tranchants ; mais pour la protection du gotha diplomatique, rien de moins que portails en fer, clôtures électrifiées, détecteurs sur fenêtres et projecteurs de sécurité. »

La colline sur laquelle on trouve ce genre de maisons à Bujumbura ne s’appelle pas Muthaiga mais Kiriri. Ambassadeurs, diplomates et autres hauts fonctionnaires y vivent dans un luxe assez considérable, bénéficiant tous des mesures de sécurité dernier cri. Le président y habite également, protégeant son jardin où vivent deux chameaux gracieusement offerts par Muammar al-Khaddafi en personne. Dans mon quartier, Rohero, un quartier résidentiel aux routes pavées situé entre Kiriri et le centre-ville, nous avons également quelques barbelés, chez notre voisin de gauche notamment, pas mal de tessons de bouteilles (moins sûr, mais ô combien plus esthétique) et souvent rien du tout, comme chez nous par exemple, un vieux portail qui laisserait passer n’importe qui, des murs qu’on escalade facilement agrémentés de tuiles, un gardien dont on ne sait pas s’il sait manier la machette et une chèvre féroce… Pour l’instant, pas de problème.

Pour en revenir au président, il travaille non loin de chez nous, au carrefour entre un boulevard qui rallie le centre névralgique de la ville à l’université et un autre qui rallie la grande rue commerçante et un important quartier résidentiel nommé Bwiza. Et bien depuis quelques années, ces deux routes sont complètement bloquées et surveillés par des militaires armés qui ne laissent passer ni voitures ni piétons. (Dans la pratique, avec un grand sourire, on peut gruger un peu mais quand même pas trop.) Imaginez le bordel de circulation que cela produit pour contourner la présidence… Sans parler de ses déplacements : s’il souhaite aller jouer au football, la circulation sera bloquée pour une durée indéfinie sur toutes les routes reliant la présidence au terrain. Pas rare de voir quelqu’un arriver en retard à un rendez-vous et s’excuser de son « retard présidentiel ».

Je vous dirais bien qu’il est parano mais quand on pense au pourcentage de présidents africains qui meurent assassinés, on se dit que finalement, peut-être pas tant que ça…

vendredi 23 novembre 2012

Ripoux


Ici, vous l’aurez compris, les fins de mois sont difficiles et surtout les trente derniers jours. Un gardien travaillant à temps-plus-que-plein gagne entre 30.000 et 100.000 Fbu par mois, selon qu’il est employé par des Burundais ou des Bazungu. (Dans le premier cas, il est également très probable qu’il se fasse traiter comme un chien, la profession n’est pas très bien vue…). Comprenez que nos gardiens sont assez contents de travailler pour 70.000 Fbu (35€, donc) et d’être considéré, pas vraiment comme des potes, mais au moins comme des êtres humains.

Pour continuer un peu sur les salaires, je sais qu’un officier de la force de défense nationale gagne 150.000 Fbu par mois (80€) – le Président se prémunit ainsi contre les coups d’état – alors qu’un policier est payé 60.000 Fbu, une somme qui le motive donc à extorquer de l’argent dès qu’il le peut. Si un policier vous fait signe de vous arrêter, vous avez tout d’abord le choix de filer en vitesse, vous ne risquez rien. Si vous vous arrêtez, il contrôlera attentivement vos papiers et votre véhicule, cherchant le détail qui lui permettra de vous coincer. S’il en trouve un, vous le remarquerez en voyant son visage se fendre d’un large sourire.

L’amende, comme toute chose, est négociable. Il commencera par vous demander une somme de 50.000 Fbu, vous êtes alors en droit de lui rire au nez. Vous lui demandez ensuite une facture, ce qui oblige le policier a sortir son cahier de reçus s’il a pensé à l’emmener et réduira l’amende à son prix véritable, soit 20.000 Fbu. C’est beaucoup par rapport à un salaire moyen, certes, mais rappelez-vous qu’elle ne touche que l’infime pourcentage de la population qui est assez aisé pour posséder une voiture. Avant que vous n’ayez le temps de sortir votre portefeuille, le policier vous proposera un arrangement « à l’amiable », filez-lui 2.000 balles et on n’en parle plus. Vous voulez vraiment le faire chier ? Payez les 20.000 francs.

Cette corruption est assez visible, bien que j’avoue n’y avoir jamais été confrontée directement, contrairement à l’immense majorité de mes amis. Les malversations économiques se font plutôt sous le manteau mais n’en sont pas moins visibles : si le dojo qui est au bout de ma rue n’a qu’un toit mais pas de murs, ce n’est pas pour l’aération, c’est parce que la personne en charge du chantier a, pour reprendre les termes de mon pote journaliste, « fait un usage personnel de cet argent ».

De même, deux de mes amis travaillent pour des associations locales qui détournent des fonds, par exemple en forçant les bénéficiaires à signer des reçus de l’argent qui leur est destiné (versé directement par de gentils parrains français) et se le mettront sans vergogne dans la poche. Quand ils en ont fait part à leur responsable sur place, celui-ci a sorti le chiffre aberrant de 60%. Près de deux tiers des associations locales détourneraient de l’argent. (Note : j’emploie bien le conditionnel car je n’en ai aucune preuve tangible. En outre, si cela se savait, les dons cesseraient et les bénéficiaires seraient encore plus dans la merde.)

jeudi 22 novembre 2012

Article 15


Ici, la règle numéro un, c’est « débrouille-toi », plus souvent nommée article 15. Si certains Burundais semblent dénués de tout sens pratique quand il s’agit de faire manger leurs gosses, d’autres ont plein de bonnes idées pour arrondir leurs fins de mois. Par exemple notre gardien Philbert, que nous payons 35€ par mois, soit le double du salaire d’un gardien ordinaire, et qui est pourvu d’une femme qui tient une petite boutique dans laquelle elle vend des arachides (ici, le mot « cacahuète » n’a pas réussi à percer) et de deux filles en bas-âge, qui représentent 0,2% du nombre d’enfants que Philbert voudrait. Afin de mettre des haricots dans la pâte de manioc, Philbert s’est décidé à élever deux cochons qu’il revendra à bon prix dès qu’ils auront grossi. Mais pour acheter les deux pourceaux, il lui a fallu un crédit initial qu’il nous a demandé de la sorte. (La lettre commence à dater mais il fallait que je la partage avec vous.)


Le 19/04/2012
N. Philbert
Commune : Musaga
Quartier : Kamesa

A mes employeurs
Objet : Demande du crédit

Excellences employeurs, j’ai l’honneur de solliciter au près de votre bienveillance un crédit de soixante milles francs burundais (60.000 Fbu) car j’ai un projet que je voudrai mettre en œuvre une fois que j’aurai reçu ces moyens que je vous demande.
Faite, je vous prie de m’accorder cette action de bienveillance. A ma part, j’approuve de vous rembourser cette somme dans ces deux mois qui vont suivre celui-ci d’Avril, c’est-à-dire celui de Mai et celui de Juin (dans les deux tranches).
Je vous remercie d’avance pour votre bonne considération de mes demandes les plus cordiaux.

Votre employé N. Philbert


Voyez un peu le style horriblement ampoulé que prennent les écrivains publics (encore que pour Philbert, nous n’excluons pas la possibilité qu’il l’ait écrite lui-même) quand il s’agit de rédiger des lettres un tant soit peu officielles. Nous avons ainsi accordé un autre prêt à Philbert et un à Aimé pour que chacun puisse s’acheter un vélo et rallier plus rapidement notre maison et leur village, Kamesa, à 7km d’ici. (Nous avons d’ailleurs rencontré les deux cochons de Philbert quand nous sommes allés lui rendre visite chez lui, un blanc et un noir, si c’est pas lutter contre le racisme ça !) De même, lorsque les tôles du toit de la maison de Juvénal, notre ancien gardien, se sont écroulées, il nous a écrit une lettre du genre, qui commençait par « J’ai l’honneur de m’adresser auprès de votre haute autorité pour solliciter un crédit… ». Toujours très drôle à la lecture.

L’autre jour en revanche, mes étudiants de l’après-midi m’ont demandé de leur apprendre à écrire des lettres. J’ai été contrainte de leur expliquer que je serais bien incapable d’écrire une lettre officielle au Burundi…

mercredi 21 novembre 2012

Lettre ouverte


à tous ceux qui me demandent si je suis heureuse ou bien triste de quitter le Burundi.

Tout d’abord, et malgré la date très proche de mon départ, je ne pense pas avoir tout à fait réalisé ce qui m’arrivait : la fin de ma mission s’est accompagnée d’une bonne dose de travail - la bien-nommée « dernière ligne droite » -, d’un paquet de petits détails à régler afin d’optimiser le temps passé au pays et enfin d’une certaine excitation due à la préparation de mon prochain poste.

Je ne suis pas mécontente de rentrer en France, car je vais y revoir famille et amis, je vais me payer le luxe d’un petit détour par l’Allemagne où je suis également attendue avant de rentrer passer Noël avec ceux que j’aime. Au-delà des personnes, je vais y retrouver le bon goût de la tartiflette, une connexion internet digne de ce nom, et bon nombre de petites choses qui font que la maison nous manque toujours un peu. De plus, sachant que je n’aurai qu’une trentaine de jours à passer chez moi avant d’aller voir au Mexique si j’y suis, j’évite le symptôme qui frappe les expatriés entre deux contrats, le fameux « je rentre chez mes parents et je ne sais pas combien de temps je vais y rester avant de trouver un nouveau job » qui s’installe généralement au bout de quinze jours.

Toutes ces raisons justifient à elles seules un retour en France, sans compter les nombreuses autres, toutes ces choses que je suis COMBLÉE de laisser derrière moi : les moustiques, les chauffards, les prises de tête avec les gardiens, les coupures d’électricité quotidiennes, les intoxications alimentaires, la surconsommation de viande, les « Muzungu » criés à mon passage, les gens chiants dans la rue et j’en passe.

Mais voilà, en quittant ce pays, j’abandonne aussi les bananes, un paquet de bons amis, (encore un sujet pour les étudiants en sociologie : comment se fait-il que l’expatriation accélère à ce point le processus de création des liens d’amitié ?), les avocats, une super maison, les mangues, le lac Tanganyika, les maracouja plus connus sous le nom de fruits de la passion, ce climat merveilleux qui nous permet d’aller à la plage tous les jours que Dieu fait, les ananas et une vie de pacha pour faire bref. (Je n’aime pas les papayes.) Bonjour fée électricité, mais adieu soirées à la chandelle. Adieu les regards et les « Muzungu » et bonjour l’indifférence des gens. Adieu Burundi qui m’a bercé pendant neuf mois et bonjour la France où Jean-François Copé est le nouveau président de l’UMP…

mardi 20 novembre 2012

Grrrrrr !!


Cette semaine, c’était la grande semaine pour mes étudiants. Après une intense période de préparation, ils s’apprêtaient à passer enfin le DELF, Diplôme d’Études en Langue Française qui justifierait officiellement de leur niveau. Ils le passaient dans les locaux de l’Institut français entre mardi et jeudi, la formation prenait fin vendredi et nous organisions une petite cérémonie de clôture officielle combinée avec une remise des diplômes juste avant mon départ. Le timing idéal.

Sauf que ce matin, à moins de 5 heures du début des épreuves, l’Institut, sur une décision de Paris, m’informe qu’on a dû annuler cette session d’examens pour cause d’irrégularité du matériel… On prévient non seulement les étudiants, abasourdis par la nouvelle, mais aussi tous les gens plus ou moins impliqués dans le processus, du directeur académique au chef d’état-major formation. Ce qui est acquis n’en est pas moins acquis, certes, mais je suis quand même un peu verte.

Quoi de tel pour finir un contrat qu’un beau bordel administratif ?

samedi 17 novembre 2012

Week-end nordique

Sentant la fin approcher, je commence à aller voir tous les endroits que je n'ai pas encore eu l'occasion de découvrir. À cet effet, nous sommes partis avec mes deux colocs passer un week-end dans le nord du pays. Nous avons décollé dès le vendredi midi pour Kirundo, une ville du nord-est située à la frontière du Rwanda et de la Tanzanie, où nous avons dormi à la fraîche. Sweat polaire, grosses chaussettes et double couverture, de temps en temps cela fait du bien. Le lendemain, nous sommes partis dès l'aube (ou presque) pour le lac Rwihinda, surnommé le lac aux oiseaux. Je vous le raconte en photo.

Deux jeunes garçons à la pêche

Un jeune homme vient puiser de l'eau

Dédicace aux filles Boué : le Badaboum taille réelle. (Attrape souris, c'est plus facile dans les restaus qu'en extérieur)

Promenade en barque

Nous accostons sur une île déserte

Pas de photo d'oiseaux, me direz-vous. Hélas, ceux-ci n'arrivent de leur migration que vers décembre et je n'aurai pas l'occasion de les voir. Nous sommes donc allés déjeuner sur les rives d'un autre lac, le lac Cohoha, situé non loin de là, qui pour le coup marque la frontière avec le Rwanda. Après ce moment de repos où l'appareil photo n'a pas été invité, nous sommes descendus vers notre prochaine destination, non sans faire un détour par Rwegura. Le brouillard et la pluie ne m'ont pas permis de prendre les photos que je voulais prendre mais cet endroit est pour moi le plus beau du Burundi, avec des paysages à couper le souffle. Nous sommes arrivés juste à temps pour le coucher de soleil sur les collines de Banga, où nous avons passé la nuit.

Lac Rwegura, avec Charlotte en contrebas.

On nous avait vanté le calme inénarrable de Banga et nous nous préparions pour une nuit reposante. Ce que l'on n'avait pas prévu : une cinquantaine de Burundais bien fêtards ont investi la guest house. La musique de qualité médiocre retentissait à fond dans la salle principale, ce qui nous a amené à nous isoler sur la terrasse pour pouvoir discuter tranquillement. Nous avons vite été rejoints par Félix, un des fêtards en question, qui nous a appris que tout le monde appartenait à un groupe de marche qui souhaitait marcher le lendemain dans les collines. Représentant officiel d'Otis au Burundi, il nous a également appris qu'on pouvait trouver 35 ascenseurs à Buja. Je n'en ai pour ma part jamais vu un seul mais désormais, nous les cherchons. Enfin, il nous a payé une bouteille de vodka qui nous a permis de nous réchauffer malgré le froid tenace.

Le lendemain, après une douche à l'eau glacée et un petit-déjeuner copieux, nous sommes partis marcher sur les coups de 9h. Les Burundais qui prenaient le petit-déjeuner avec nous tournaient déjà à l'Amstel, inutile de dire que nous ne les avons pas vus sur les pistes. Nous avons donc déambulé sous un soleil brûlant jusqu'à tomber sur des bergers qui nous ont amené jusqu'à un village de Batwa, la troisième ethnie du Burundi.

Rando option cul de vache

Maison twa avec bananiers
Si la maison traditionnelle paraît petite, c'est parce que les Batwa sont des pygmées. Après quatre bonnes heures de marche, nous sommes repartis éreintés pour Buja.

Anecdote du week-end : nous avions choisi pour voiture de location un Toyota Rav4 que nous avons laissé sur les bords du lac Rwihinda lors de notre excursion en barque. À notre retour, un des gamins avec lesquels nous avions joué plus tôt avait gravé sur la carrosserie le nom « Carina », celui de la voiture la plus répandue dans le pays... Nous étions fort embêtés à cause de cela et nous réfléchissions à ce que l'on devait faire le soir à l'auberge quand un homme vient saluer Michael. « Tu me reconnais pas ? On s'est vus hier, c'est moi qui t'ai loué la voiture ! ». Ah. Après un petit temps de réflexion, nous sommes allés le chercher pour lui annoncer. Il avait un peu bu et la nouvelle est passée comme une lettre à la poste. Fiou...

jeudi 15 novembre 2012

Les mauvais jours de l'expatriation

Voir sa colocataire rentrer en pleurs dans la maison, encore au téléphone, promettant d’arriver en France dès le lendemain. Quand on vit ici, vu le prix du billet d’avion, on ne rentre pas pour un motif futile. La plupart du temps, c’est en raison du « décès d’un parent proche », comme le formule si bien l’assurance qui nous rapatrie. Un parent proche, le père de ma coloc en l’occurrence.

D’abord, on tente comme on peut de la consoler. Quelqu’un se charge d’aller acheter des unités pour son téléphone, des cigarettes, on lui fait à déjeuner puis on l’écoute, comme on fait dans ce genre de situations. On prévient les amis, les premiers messages arrivent. Elle est au téléphone avec sa mère, son frère, etc. Et pendant ces quelques moments où elle parle à quelqu’un d’autre, vous êtes directement renvoyé à vos propres angoisses.

Et si c’était mon père ? Ou peut-être ma grand-mère ? Ou même un oncle, une cousine, un ami ? Je n’ai pas vu mes proches depuis 8 mois et demi dans le meilleur des cas. Et si c’était mon frère, que je n’ai pas vu depuis un an et demi ? Combien de temps me faudrait-il pour me remettre du fait d’avoir été absente et d’avoir pris et donné si peu de nouvelles dans les derniers mois de la vie d’une personne proche ? Comme le dit la chanson : est-ce qu’en vivant avec des remords, on s’en sort ?

Ma coloc est partie mercredi soir, le jour même où un autre ami rentrait au Burundi après avoir enterré son grand-père. Je ne passerai pas mes deux dernières semaines au Burundi avec elle. Et malgré tout le soutien que tout le monde ici lui manifeste, elle va mal et elle s’en veut. Et de voir le cauchemar prendre ainsi forme sous nos yeux, c’est à vous couper l’envie de repartir.

jeudi 8 novembre 2012

It's raining again


Petite photo post-lessive...

Du coup, pour fuir le mauvais temps (qui reste relativement rare, rassurez-vous), nous nous évadons régulièrement vers des destinations "exotiques". Le prochain article sera pour vous montrer les photos de notre expédition dans le nord du pays, le mois passé. Le week-end dernier, qui était prolongé grâce à la Toussaint, nous nous sommes rendus en Tanzanie, à Kigoma plus précisément, sur les rives du Tanganyika toujours, mais bien plus au sud. Nous étions quatorze en tout, nous avons loué un mini-bus, campé, bronzé, bien mangé et bien rigolé. Ce week-end, on remet ça à Nyanza-lac, toujours sur la route du sud, pour un séminaire organisé par France volontaires, départ demain midi après les cours... Ça sent quand même grave la fin.

mercredi 7 novembre 2012

Amen

Un de mes étudiants vient vers moi à la fin du cours, un papier à la main. Il me demande, un air de nécessité dans les yeux, de lui expliquer le texte qui y est écrit. J'y jette un oeil.

Notre père, qui êtes aux cieux...

Parfois j'ai des doutes sur ma vocation, mais quand on explique à quelqu'un un texte qu'il lit plusieurs fois par jour depuis sa jeunesse, on sait que le métier de professeur est essentiel. Le "merci" qui a suivi était un des plus sincères qu'il m'ait été donné de recevoir.

vendredi 2 novembre 2012

Miam


Parlons bien, parlons bouffe : quelques indications sur ce qu'on mange ici.

Première option : vous êtes Burundais. Vous mangez de la pâte de manioc (manioc séché, broyé en farine qui sera cuite avec de l'eau), des haricots, du riz (mais vous savez le faire cuire de manière à ce qu'il ne colle pas) et quelques légumes. À l'occasion, vous vous rendez au cabaret pour manger une brochette de chèvre avec des frites de bananes, le tout arrosé d'une Primus, la bière locale la moins chère. Vous êtes largement mal-nourri et ne mangez que rarement trois fois par jour.

Deuxième option : vous êtes expat et vous avez des standards sur lesquels il vous est difficile de revenir. En fonction de votre budget :
  1. Vous allez faire vos courses au marché, vous négociez trois heures mais obtenez tout de même un tarif muzungu, vous cuisinez le tout chez vous. Pour les produits frais, vous les achetez au jour le jour dans la seule boucherie qui ne rend pas malade ou dans les poissonneries financées par la coopération des Pays de la Loire.
  2. Vous employez un cuisinier qui fait aussi les courses et vous mangez de très bons petits plats, les pieds sous la table.
  3. Vous mangez à l'extérieur, dans les hôtels et les restaurants. C'est cher, mais c'est bon.

Troisième option : vous êtes moi.

Pour le petit-déjeuner, vous vous fournissez en pain (jamais frais), confiture de fraise, fruits divers et thé burundais à l'alimentation voisine. Les matins où l'électricité est aux abonnés absents, vous vous contentez d'un verre d'eau du robinet qu'on peut boire sans tomber malade, surprise ! Le week-end, vous vous jetez sur quelques beignets achetés 100 Fbu dans la rue, à moins que vous n'ayez passé commande auprès de votre ami John qui travaille à la boulangerie française et vous rapporte en débauchant croissants et pain au choc à prix avantageux.

Pour le déjeuner, vous mangez à la maison, une salade de crudités ou un guacamole suivi d'une salade de fruits. En effet, depuis que la bouteille de gaz est vide, vous n'avez pas voulu en racheter et préférez consommer crus les produits frais tout droit venus du marché. Mais puisque vous détestez faire les courses, vous envoyez votre gardien Philbert les faire pour vous. Il n'a pas besoin de négocier le tarif muzungu mais vous vole tout de même la différence si ce n'est plus. Vous risquez carrément de choper une amibe et d'être malade toute votre vie durant, mais tant pis, les avocats sont tendres et vous n'avez jamais mangé d'aussi bons maracuja (aka fruits de la passion).

Pour le dîner, vous avez globalement la flemme de cuisiner quoi que ce soit et vous sortez manger dans un endroit proche de chez vous :
  • le Shanghai et ses excellents beignets de légumes à la sauce aigre douce avec un riz blanc qui ne colle pas arrosé de sauce soja, et mille autres recettes chinoises succulentes
  • la Scala, un joli cadre, toujours du football à regarder ce qui lui donne selon les garçons un avantage certain sur ses concurrents les soirs de match, de la bière pression et de la nourriture classique, surtout des snacks
  • le Barnacle, décoré avec des voiles, des palmes, etc. Un propriétaire très sympa, un bruit de groupe électrogène assourdissant qui fait qu'on n'y va que les soirs où le quartier a l'électricité, une carte semblable à celle de la Scala avec en plus de bonnes brochettes, des pizzas et des « super lasagnes bolognaise »
  • le Relax, un peu plus cher mais le lundi soir, vous pouvez y voir un rasta en santiags reprendre à la guitare des chansons de Céline Dion, et ça, ça vaut tout l'or du monde.
  • Le Ku muyange, un cabaret où vous mangez des brochettes de bœuf (vous refusez de manger de la chèvre depuis que vous en avez une dans votre jardin) avec des frites ou des bananes bouillies, pas cher, pas trop mauvais, mais plein de voleurs.

Faites le bon choix. Hormis le chinois, le temps d'attente moyen dans n'importe lequel de ces restaurants ou cabarets est de 45 minutes, le temps de boire vos 72cl de Primus.