dimanche 20 mai 2012

L'autre sujet qui fâche aussi


« Alors Sarah, tu rentres chez toi en novembre, c'est ça ?
- Oui, oui absolument, fin novembre.
- Et après, qu'est-ce que tu vas faire ?
- Euh, revoir mes amis, passer Noël en famille pour commencer, et puis l'année prochaine, j'improviserai.
- Tu pourrais te marier...
- C'est à dire que... j'ai pas l'intention de me marier non.
- Mais, tu as quel âge ?
- Vingt et un.
- C'est l'âge de se marier ! Pourquoi tu ne veux pas te marier ? Tu ne veux pas avoir d'enfants ?
- Ah si si ! J'en ai bien l'intention, mais pas avant d'avoir 25 ans, en tout cas.
- Ah ! Alors tu vas te marier plus tard ?
- Non, non, je viens de vous dire que je voulais pas...
- Mais tu ne vas pas avoir d'enfant hors mariage quand même ?
- Ben, si. C'est l'idée.
- Mais alors le père des enfants, il pourra aller voir d'autres femmes, et toi d'autres hommes ? Et il pourra te quitter n'importe quand ? Ce ne sera pas une vraie famille.
- Et les hommes burundais, tu crois que le mariage les rend fidèles ? Tu sais, le mariage, de nos jours...
- Au Burundi c'est punissable par la loi ! D'avoir des enfants hors mariage.
- J'ai entendu oui. En France, c'est assez commun par contre.
- Pfffff. »

Ceci est une conséquence directe de l'omniprésence de la religion dans la société burundaise. Une jeune fille de mon âge ne peut avoir d'autre préoccupation que celle de se trouver un mari. Je ne compte pas les personnes qui m'ont proposé de me présenter à leur fils, neveu ou autre. En général, je décline poliment sans m'épandre sur le sujet, mais avec les personnes plus proches, j'ai pu aborder le sujet plusieurs fois, notamment avec mon assistant, marié et père d'un enfant et un en préparation. Édouard commence à comprendre mon point de vue, d'autant plus qu'il a récemment fait un cours sur les familles recomposées et le statut du mariage en France. Les chiffres ont pu lui prouver que j'étais loin d'être la seule à penser que « vivre dans le péché » était la meilleure option.

C'est absolument inconcevable au Burundi. La femme burundaise se range nécessairement dans l'une de ces trois catégories à l'état civil :
  • inkumi, la petite fille, la vierge. Terme infantilisant s'il en est.
  • umugore, la femme mariée, bientôt mama. Ici, les femmes ont encore de nombreux enfants pour les raisons que l'on connaît (ignorance ou refus de la contraception, mortalité infantile élevée, etc.) mais la première raison, c'est qu'on accède à un réel statut social seulement si on porte des enfants. La femme qui n'est pas mère n'a simplement pas sa place dans la société burundaise.
  • umupfakazi, la veuve, qui selon son âge peut prétendre à un éventuel remariage.
Ici, je n'ai jamais rencontré la moindre femme divorcée, le sujet est tabou, et s'il existe un verbe, on note l'absence de mot pour désigner la « divorcée »...

2 commentaires:

  1. Ah voui quand même...^^ C'est intéressant comme point de vue!
    Je ne suis qu'une vile pécheresse!

    En tout cas ravie de te lire :)

    Bibis mon Tanuki!

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  2. Je te rejoins dans le péché ! Intéressante analyse de la situation burundaise cela dit. Un exemple de plus du fait qu'on est vraiment que des produits de culture ^^

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