mercredi 31 octobre 2012

Évidences


J'essaye depuis peu de faire la liste des choses que je voudrais raconter à mon retour pour surprendre, amuser et intéresser mon auditoire quand on me posera la fatidique question :

« Alors, c'est comment le Burundi ? »

Je commence d'ores et déjà pour mes fidèles lecteurs qui n'auront peut-être pas l'occasion de me voir pour satisfaire leur curiosité. Quelques évidences invisibles que je ne remarque même plus, à force, mais qui donnent une idée du pays.

La première chose qui vous frappe en quittant l'aéroport : une foule marche en permanence sur le bord de la route, et ce jusqu'au centre ville. Idem si vous continuez sur les axes principaux qui rejoignent les quartiers populaires. Seuls les quartiers résidentiels comme le mien semblent épargnés par ce défilé digne d'un premier jour de soldes sur les Champs Élysées. Certains Burundais choisissent le vélo, d'autres prennent le bus qui coûte, depuis la récente augmentation 330 Fbu (soit presque 20 centimes d'euro !), rares sont ceux qui possèdent une voiture, donc la majorité va à pied. Qu'il pleuve où que le soleil brûle, qu'ils aient 500 mètres ou 10 kilomètres à faire, peu importe, ils marchent toute la journée.

Une fois en centre-ville, les policiers vous sautent aux yeux. Ou plus précisément la grosse kalachnikov qu'ils tiennent entre les mains, le doigt sur la détente. Vous croiserez parfois des flics armés saouls comme des barriques... Ne pas paniquer. C'est, pour eux, le seul moyen d'asseoir leur pouvoir sur le reste de la population, qui n'a que peu de respect pour ces personnes généralement corrompues (car sous-payées par le gouvernement, rendons à César ce qui est à César). Une kalachnikov est un bon argument. Travaillant avec les militaires, je me suis habituée à ce contact quotidien aux armes : certains de mes étudiants ainsi que mon collègue Édouard viennent en cours le pistolet à la ceinture. Vous pourrez aussi prendre le bus à côté d'un militaire qui tient son arme sur ses genoux. Priez.

Une autre présence un peu plus dérangeante : celle de la mort. La plus visible est celle causée par les accidents de la route (bah oui, vu le nombre de piétons, statistiquement, ils sont bien plus nombreux à se faire renverser). Plutôt choquante, la première fois que vous apercevez un corps étendu à côté d'une belle flaque de sang et des gens en pleurs à côté d'un bus arrêté au milieu de la route. Toujours aussi choquantes, la deuxième fois et les suivantes. Les autres causes de mort telles que la malaria ou toute maladie mal soignées font également des ravages: Les week-ends des Burundais sont, quand il ne s'agit pas de mariage, souvent consacrés aux cérémonies de levée de deuil...

Finalement, un fait un peu plus plaisant : pour tous ceux qui auraient vu une ville africaine comme Nairobi ou Kinshasa, sachez que Bujumbura a l'air bien propre en comparaison. Des employé(e)s du gouvernement ainsi que les travaux communautaires du samedi matin permettent d'éliminer les déchets et la végétation sauvage, laissant la ville extrêmement propre. Chacun brûle ses déchets dans son jardin, bien que je ne sois pas convaincue du bien fondé écologique de cette situation. On n'est pas encore arrivés au stade de propreté de Kigali mais on s'en approche. Reste à enseigner à la population locale que non, les choses jetables ne sont pas jetables dans la rue, et là il y a du boulot...

lundi 29 octobre 2012

Intégration


Une petite réflexion entendue à l'école :
« Tiens je vous ai vus en ville samedi midi près du marché central, vous étiez trois »

Trois blancs, effectivement. Et une noire aussi, mais elle est passée inaperçue. Je n'ai pas voulu attaquer mon collègue sur ses préjugés, d'autant plus qu'ils sont fondés.

Comme pour la majorité des Bazungu, je travaille avec des Burundais et je passe le reste de mon temps avec des Européens, pour ne pas dire des Français. Au travail, je suis la seule blanche : tout le monde sait qui je suis, les enfants aiment venir me dire bonjour, les collègues parlent français avec moi et se laissent parfois aller à parler kirundi entre eux. La situation est normale, elle correspond précisément à ce à quoi je m'attendais en débarquant en Afrique.

Dès que je quitte le travail, je rentre dans ma maison gérée par France Volontaires où vivent trois ou quatre Français. Le soir, je sors en général avec les autres Français qui, jusqu'à il y a peu, vivaient dans l'autre maison gérée par France Volontaires. Nous sommes devenus, au fil du temps, un groupe de potes qui s'appellent automatiquement dès qu'ils bougent en ville, à savoir presque tous les soirs...

Parmi nous, quelques Burundais(es) font tout de même leur apparition : les petit(e)s ami(e)s de certains d'entre nous, de rares collègues de travail et Richard le rasta (une population très ouverte à l'intégration !). Un premier critère, celui de la francophonie, élimine déjà 75% de la population de notre liste de potentiels potes. Mais pour ceux qui sont devenus nos amis, pas toujours facile de nous suivre, ne serait-ce que financièrement parlant. On partage une bière le week-end mais pas un repas au bistrot tous les soirs. De plus, la moyenne d'âge des volontaires est de 25 ans, et les collègues qui ont nos âges sont souvent déjà mariés voire pères ou mères, ce qui limite les sorties. Et puis impossible d'inviter un musulman aux soirées saucisson ou à la soirée « bal mosquée »...

Et encore et toujours le choc de la culture. Les Burundais dont nous sommes les plus proches restent ceux qui sont très occidentalisés, qui peuvent parler musique ou cinéma avec nous, qui comprennent nos traditions, acceptent nos propos, par exemple sur la religion. Et restent bien souvent exclus dès qu'on parle de chez nous, qu'on se balade mentalement dans les rues de Nantes, de Lyon ou d'ailleurs, que l'on sort des blagues 100% françaises ou des jeux de mots un peu poussés. Bien sûr qu'on s'adapte, mais est-ce bien suffisant ?

Les amitiés mixtes sont donc possibles, mais bien souvent en tête à tête, et avec des gens tolérants des deux côtés. Tout ça pour dire qu'en fait, je vis en Afrique, mais j'ai un groupe de potes qui vient de la Bretagne, de la montagne, un peu d'Allemagne aussi, mais qui n'est pas exactement multicolore... Tant mieux ou tant pis, c'est ça aussi l'Afrique. Ça ouvre un peu les yeux sur les groupes d'immigrés qui restent entre eux et qui ne « veulent » soi-disant pas s'intégrer...

samedi 27 octobre 2012

Moustico net


Tel est le nom du projet de deux de mes amis vivant actuellement à Buja, Delphine et Nico. Ils sont responsables depuis plusieurs années d'une petite association nommée APM, À Portée de Main, qui soutient plusieurs projets de développement en Afrique.

Ils sont actuellement en train de mettre en place le premier cybercafé solaire du pays au profit d'A.LU.MA, un centre anti-malaria où ma pote travaille, le but de cette activité étant d'amortir jusqu'à 80% des frais de fonctionnement du centre qui accueille chaque année plus de 35000 patients et leur procure, le cas échéant, le traitement pour 500 Fbu, soit 30 centimes d'euros. Une action plus que nécessaire dans un pays où la malaria est la première cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans.

Leur blog : http://apm.asso.over-blog.com/ Vous pourrez en apprendre un peu plus sur leurs actions mais aussi et surtout faire un don via Paypal, en étant sûr qu'il arrivera jusqu'ici, pour un projet qui se monte sous nos yeux.

(Eh oui, après huit mois passés ici, il fallait bien que je commence à faire la manche...)

jeudi 25 octobre 2012

Info ou ... ?


Nous avions déjà une petite semaine avec deux jours fériés : commémoration de l'assassinat de Melchior Ndadaye, premier président burundais élu démocratiquement, ce lundi (en fait, c'était dimanche, mais lorsqu'un jour férié tombe sur un jour non-ouvré, le président décide parfois de le reporter sur un jour en semaine) et vendredi c'est la fête du mouton qui est traditionnellement un jour férié pour tout le monde, musulmans et chrétiens. Mais j'ai décidé que ce n'était pas assez, et que j'allais donc faire une petite intoxication dès le mardi pour raccourcir encore cette semaine. J'ai tenu à enseigner mardi matin mais j'ai dû rendre les armes lorsque j'ai déposé mon déjeuner, tel quel, sur la pelouse de l'école... Je suis donc actuellement de retour dans mon lit et j'en profite pour donner des nouvelles.

Je vous informe que le Burundi a été à l'honneur le temps du tournage d'une émission de télévision belge : le beau vélo de Ravel. Une équipe de cyclistes est venue faire le tour du pays et je vous conseille fort de la regarder afin de découvrir les paysages sublimes de ce pays. Cliquez ici pour le streaming.

On a encore entendu parler du Burundi pour d'autres raisons ces derniers temps. En effet, le procès d'un journaliste accusé d'être lié à un mouvement rebelle s'est ouvert à Gitega mais il est sans cesse retardé, ce qui commence à agacer la communauté internationale et les défenseurs de la liberté de la presse. De plus, la région du nord-ouest du pays est très proche des conflits actuels en RDC, trois personnes ont perdu la vie cette semaine. Sur un registre plus léger, c'est un Burundais qui a remporté la course des 20 kilomètres de Paris.

jeudi 18 octobre 2012

Proxima estacion

Encore une petite pause, et pourtant ce ne sont pas les idées qui manquent, ni les photos, mais elles restent sous forme de liste dans un fichier que je n'ai pas ouvert depuis longtemps... Beaucoup de travail ces derniers temps, notamment en raison de la préparation intense à l'examen du DELF que je fais subir à mes étudiants. J'ai quand même deux trois choses à vous dire qui méritent une pause sur ce blog : j'ai validé mon M1 avec 13,6 de moyenne générale et j'ai dans la foulée trouvé mon prochain emploi au Mexique ! Vamos !

Ps : je déclare ouvert le concours pour me trouver un nouveau titre pour ce blog qui me suivra dans mes aventures mexicaines.

lundi 8 octobre 2012

Les vaillantes


Depuis mi-septembre, j'ai commencé à donner des cours aux membres de l'association Les vaillantes qui regroupe des personnes en situation de handicap physique. (J'aime beaucoup ce terme « en situation de ». Ici, tout le monde dit « enfant de la rue » mais le terme officiel est « enfant en situation de rue »...)

Trois après-midi par semaine, je me rends donc au ministère de la jeunesse, dans un vieux cybercafé poussiéreux et désaffecté, situé tout à côté d'une des principales artères de la ville, un environnement pas tout à fait idéal pour enseigner donc. Pourtant les étudiants sont motivés, toujours souriant, toujours prêts à participer. 

Ils ont un niveau débutant pour la plupart, les autres ayant un niveau A1 qui reste à consolider. En raison de la participation très aléatoire, je ne peux pas suivre une progression logique comme je l'avais fait avec mes militaires et je m'essaie donc aux cours thématiques (demander son chemin, inviter quelqu'un à sortir, etc.) ce qui est toujours très intéressant à préparer. Un peu de fraîcheur qui ne nuit pas...

samedi 6 octobre 2012

Pas si loin...


Un court texte étudié en cours et qui me semble intéressant car il montre une chose qui peut paraître surprenante et que je ne décris que rarement dans ce blog : le grand nombre de ressemblances entre l'Afrique et l'Europe.

Arrivée en République Centrafricaine

« Nous avons croisé un taxi. Il avait la même couleur jaune que les taxis athéniens et il était bondé. À Athènes aussi, les taxis acceptent plusieurs passagers à la fois. J'étais si convaincu d'avoir pénétré dans un autre monde que ses aspects les moins exotiques me frappaient également. La grande majorité des hommes et la moitié des femmes étaient vêtus à l'européenne. Certains n'étaient encombrés que d'un porte-documents ou d'un sac à main. Ils étaient relativement nombreux à posséder un portable. Un homme parlait paisiblement à son téléphone sous une montagne de bananes vertes qui lui couvrait à moitié le visage. Il était probablement en train de prendre une commande. Le temps était nuageux, comme à Paris, et la température ne dépassait pas vingt degrés. J'ai remarqué un bâtiment très quelconque, de deux étages, en béton. Cent mètres plus loin, Yves a éteint le moteur du véhicule et m'a invité à descendre.
 - Nous sommes au centre-ville, m'a-t-il annoncé avec une certaine emphase, comme pour enlever un doute de mon esprit.
En dehors de l'immeuble que j'avais repéré, aucune autre construction n'émergeait de la foule qui nous entourait, nous pressait, nous empêchait d'avancer. Où donc logeaient tous ces gens ? Étaient-ce leurs marchandises et leurs ombrelles qui cachaient Bangi ? »

Vassilis Alexakis, Les mots étrangers, Éditions Stock, 2002

jeudi 4 octobre 2012

Averse


La saison des pluies recommence, et cette fois-ci, c'est la grande. Elle est partie pour durer jusqu'à mon départ. Ce que cela change concrètement : 

1) Le climat. Certains jours, le temps est couvert le matin, il fait donc moins chaud et il pleut généralement dès midi. La pluie est souvent une petite pluie fine et continue, ponctuée çà et là de grosses averses qui ne durent jamais très longtemps. L'après-midi, soit il continue à pleuvoir, ce qui provoque des embouteillages monstrueux dans le centre-ville à l'heure de la débauche, soit le soleil est de retour et la chaleur humide devient terriblement suffocante. Les autres jours, il faut très beau et très très chaud le matin, toute activité en devient difficile et on voit le ciel noircir au-dessus des collines jusqu'à ce qu'un orage explose au cours de l'après-midi. Le week-end, on peut tenter de pousser jusqu'à la plage, à quelques kilomètres de la ville, et espérer que l'orage tombe seulement sur Buja, mais cela ne fonctionne pas toujours. Nous jouons alors au Uno. Mais à la plage, c'est bien mieux.

2) Le jardin. Celui-ci est à nouveau vert et luxuriant. Jah est ravie, son petit (récemment baptisé Bus) tête encore sa mère et il est donc ravi par procuration. Le frangipanier ne ressemble plus à un vulgaire arbre à saucisses depuis qu'il a ouvert ses superbes fleurs roses et jaunes. Dieu merci, il est bien trop haut pour être mangé par nos caprins. Seul point négatif : un arbre inconnu au bataillon mais toutefois assez répandu dans le voisinage en profite pour dégager son odeur écœurante de soupe au poulet. Envie de vomir garantie.

3) Le délestage. C'est à dire les coupures d'électricité programmées. Au cours de ces derniers mois, nous avions l'électricité le lundi et le jeudi de 15h à 22h ; le mardi et le vendredi de 7h à 15h ; le mercredi, le samedi et le dimanche de 7h à 22h (sauf coupure exceptionnelle). Ces dernières nuits, nous n'avons pas eu de coupure à partir de 22h. Nous préférerions l'avoir pendant les matinées ou après-midi où nous ne l'avons toujours pas mais le gouvernement n'est pas idiot et il sait bien que l'on consomme beaucoup moins si on la laisse la nuit et si on la coupe le jour. Au moins nous avons la possibilité de recharger nos batteries pendant ce temps là. Trois astuces pour éviter le délestage : 
- habiter à proximité d'un ministère, dans un quartier couvert 24 heures sur 24
- être riche et faire installer chez soi un groupe électrogène
- avoir un bon ami qui travaille pour le service qui contrôle le délestage, la bien-nommée Regideso.

Bref, aujourd'hui est une journée pluie, et je retarde le retour sous la pluie en écrivant des articles...

mardi 2 octobre 2012

Faille des allemands

Même week-end, à une heure de route des chutes. 

La petite histoire dit que cette faille impressionnante a été creusée par les soldats allemands, partis en courant à l'arrivée des Belges au Burundi. Si le temps n'avait pas été si nuageux, on aurait dû voir la Tanzanie tout là-bas là-bas...

La faille
  
Des ruches burundaises
Les enfants qui nous ont suivi sur le chemin et qui répétaient les mots qu'on criait pour l'écho : "Boutre !"