Une petite réflexion entendue à
l'école :
« Tiens je vous ai vus en ville
samedi midi près du marché central, vous étiez trois »
Trois blancs, effectivement. Et une
noire aussi, mais elle est passée inaperçue. Je n'ai pas voulu
attaquer mon collègue sur ses préjugés, d'autant plus qu'ils sont
fondés.
Comme pour la majorité des Bazungu, je
travaille avec des Burundais et je passe le reste de mon temps avec
des Européens, pour ne pas dire des Français. Au travail, je suis
la seule blanche : tout le monde sait qui je suis, les enfants aiment
venir me dire bonjour, les collègues parlent français avec moi et
se laissent parfois aller à parler kirundi entre eux. La situation
est normale, elle correspond précisément à ce à quoi je
m'attendais en débarquant en Afrique.
Dès que je quitte le travail, je
rentre dans ma maison gérée par France Volontaires où vivent trois
ou quatre Français. Le soir, je sors en général avec les autres
Français qui, jusqu'à il y a peu, vivaient dans l'autre maison
gérée par France Volontaires. Nous sommes devenus, au fil du temps,
un groupe de potes qui s'appellent automatiquement dès qu'ils
bougent en ville, à savoir presque tous les soirs...
Parmi nous, quelques Burundais(es) font
tout de même leur apparition : les petit(e)s ami(e)s de certains
d'entre nous, de rares collègues de travail et Richard le rasta (une
population très ouverte à l'intégration !). Un premier critère,
celui de la francophonie, élimine déjà 75% de la population de
notre liste de potentiels potes. Mais pour ceux qui sont devenus nos
amis, pas toujours facile de nous suivre, ne serait-ce que
financièrement parlant. On partage une bière le week-end mais pas
un repas au bistrot tous les soirs. De plus, la moyenne d'âge des
volontaires est de 25 ans, et les collègues qui ont nos âges sont
souvent déjà mariés voire pères ou mères, ce qui limite les
sorties. Et puis impossible d'inviter un musulman aux soirées
saucisson ou à la soirée « bal mosquée »...
Et encore et toujours le choc de la
culture. Les Burundais dont nous sommes les plus proches restent ceux
qui sont très occidentalisés, qui peuvent parler musique ou cinéma
avec nous, qui comprennent nos traditions, acceptent nos propos, par
exemple sur la religion. Et restent bien souvent exclus dès qu'on
parle de chez nous, qu'on se balade mentalement dans les rues de
Nantes, de Lyon ou d'ailleurs, que l'on sort des blagues 100%
françaises ou des jeux de mots un peu poussés. Bien sûr qu'on
s'adapte, mais est-ce bien suffisant ?
Les amitiés mixtes sont donc
possibles, mais bien souvent en tête à tête, et avec des gens
tolérants des deux côtés. Tout ça pour dire qu'en fait, je vis en
Afrique, mais j'ai un groupe de potes qui vient de la Bretagne, de la
montagne, un peu d'Allemagne aussi, mais qui n'est pas exactement
multicolore... Tant mieux ou tant pis, c'est ça aussi l'Afrique. Ça
ouvre un peu les yeux sur les groupes d'immigrés qui restent entre
eux et qui ne « veulent » soi-disant pas s'intégrer...
C'est pas que l'Afrique, je trouve assez difficile de se lier d'amitié avec des Néo-Zélandais. On n'a pas les mêmes intérêts. Même si je pense qu'en Afrique, pour le coup, le fossé est bien plus grand.
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