Un
court passage extrait de The constant gardener, de John Le
Carré, qui décrit les différents moyens utilisés pour protéger
les maisons.
« Les
Woodrow habitaient une maison en moellons aux fenêtres style Tudor à
petits carreaux cathédrale, sise parmi ses nombreuses semblables au
cœur d’un vaste jardin à l’anglaise sur la colline du faubourg
chic de Muthaiga, à deux pas du Muthaiga Club, de la résidence du
haut-commissaire britannique et des somptueuses demeures des
ambassadeurs de pays dont on ignore jusqu’à l’existence avant
d’emprunter ces avenues sous haute protection et de remarquer leur
nom sur une plaque entre deux pancartes « chien méchant »
en kiswahili. Après l’attentat à la bombe contre l’ambassade
américaine de Nairobi, le Foreign Office avait fourni à tout le
personnel du rang de Woodrow et au-dessus des portails en fer
antichocs dûment surveillés nuit et jour par des brigades de Luhyas
exubérants assistés de moult amis et parents. Les mêmes esprits
avisés avaient ceint le jardin d’une clôture électrifiée
surmontée de barbelés tranchants en rouleaux et de projecteurs qui
brillaient toute la nuit. A Muthaiga, la hiérarchie s’applique en
matière de sécurité comme dans tant d’autres domaines :
pour la roture, tessons de bouteilles sur mur en pierre ; pour
la petite noblesse, barbelés tranchants ; mais pour la
protection du gotha diplomatique, rien de moins que portails en fer,
clôtures électrifiées, détecteurs sur fenêtres et projecteurs de
sécurité. »
La
colline sur laquelle on trouve ce genre de maisons à Bujumbura ne
s’appelle pas Muthaiga mais Kiriri. Ambassadeurs, diplomates et
autres hauts fonctionnaires y vivent dans un luxe assez considérable,
bénéficiant tous des mesures de sécurité dernier cri. Le
président y habite également, protégeant son jardin où vivent
deux chameaux gracieusement offerts par Muammar al-Khaddafi en
personne. Dans mon quartier, Rohero, un quartier résidentiel aux
routes pavées situé entre Kiriri et le centre-ville, nous avons
également quelques barbelés, chez notre voisin de gauche notamment,
pas mal de tessons de bouteilles (moins sûr, mais ô combien plus
esthétique) et souvent rien du tout, comme chez nous par exemple, un
vieux portail qui laisserait passer n’importe qui, des murs qu’on
escalade facilement agrémentés de tuiles, un gardien dont on ne
sait pas s’il sait manier la machette et une chèvre féroce…
Pour l’instant, pas de problème.
Pour
en revenir au président, il travaille non loin de chez nous, au
carrefour entre un boulevard qui rallie le centre névralgique de la
ville à l’université et un autre qui rallie la grande rue
commerçante et un important quartier résidentiel nommé Bwiza. Et
bien depuis quelques années, ces deux routes sont complètement
bloquées et surveillés par des militaires armés qui ne laissent
passer ni voitures ni piétons. (Dans la pratique, avec un grand
sourire, on peut gruger un peu mais quand même pas trop.) Imaginez
le bordel de circulation que cela produit pour contourner la
présidence… Sans parler de ses déplacements : s’il
souhaite aller jouer au football, la circulation sera bloquée pour
une durée indéfinie sur toutes les routes reliant la présidence au
terrain. Pas rare de voir quelqu’un arriver en retard à un
rendez-vous et s’excuser de son « retard présidentiel ».
Je
vous dirais bien qu’il est parano mais quand on pense au
pourcentage de présidents africains qui meurent assassinés, on se
dit que finalement, peut-être pas tant que ça…
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