samedi 24 novembre 2012

(In)sécurité


Un court passage extrait de The constant gardener, de John Le Carré, qui décrit les différents moyens utilisés pour protéger les maisons.

« Les Woodrow habitaient une maison en moellons aux fenêtres style Tudor à petits carreaux cathédrale, sise parmi ses nombreuses semblables au cœur d’un vaste jardin à l’anglaise sur la colline du faubourg chic de Muthaiga, à deux pas du Muthaiga Club, de la résidence du haut-commissaire britannique et des somptueuses demeures des ambassadeurs de pays dont on ignore jusqu’à l’existence avant d’emprunter ces avenues sous haute protection et de remarquer leur nom sur une plaque entre deux pancartes « chien méchant » en kiswahili. Après l’attentat à la bombe contre l’ambassade américaine de Nairobi, le Foreign Office avait fourni à tout le personnel du rang de Woodrow et au-dessus des portails en fer antichocs dûment surveillés nuit et jour par des brigades de Luhyas exubérants assistés de moult amis et parents. Les mêmes esprits avisés avaient ceint le jardin d’une clôture électrifiée surmontée de barbelés tranchants en rouleaux et de projecteurs qui brillaient toute la nuit. A Muthaiga, la hiérarchie s’applique en matière de sécurité comme dans tant d’autres domaines : pour la roture, tessons de bouteilles sur mur en pierre ; pour la petite noblesse, barbelés tranchants ; mais pour la protection du gotha diplomatique, rien de moins que portails en fer, clôtures électrifiées, détecteurs sur fenêtres et projecteurs de sécurité. »

La colline sur laquelle on trouve ce genre de maisons à Bujumbura ne s’appelle pas Muthaiga mais Kiriri. Ambassadeurs, diplomates et autres hauts fonctionnaires y vivent dans un luxe assez considérable, bénéficiant tous des mesures de sécurité dernier cri. Le président y habite également, protégeant son jardin où vivent deux chameaux gracieusement offerts par Muammar al-Khaddafi en personne. Dans mon quartier, Rohero, un quartier résidentiel aux routes pavées situé entre Kiriri et le centre-ville, nous avons également quelques barbelés, chez notre voisin de gauche notamment, pas mal de tessons de bouteilles (moins sûr, mais ô combien plus esthétique) et souvent rien du tout, comme chez nous par exemple, un vieux portail qui laisserait passer n’importe qui, des murs qu’on escalade facilement agrémentés de tuiles, un gardien dont on ne sait pas s’il sait manier la machette et une chèvre féroce… Pour l’instant, pas de problème.

Pour en revenir au président, il travaille non loin de chez nous, au carrefour entre un boulevard qui rallie le centre névralgique de la ville à l’université et un autre qui rallie la grande rue commerçante et un important quartier résidentiel nommé Bwiza. Et bien depuis quelques années, ces deux routes sont complètement bloquées et surveillés par des militaires armés qui ne laissent passer ni voitures ni piétons. (Dans la pratique, avec un grand sourire, on peut gruger un peu mais quand même pas trop.) Imaginez le bordel de circulation que cela produit pour contourner la présidence… Sans parler de ses déplacements : s’il souhaite aller jouer au football, la circulation sera bloquée pour une durée indéfinie sur toutes les routes reliant la présidence au terrain. Pas rare de voir quelqu’un arriver en retard à un rendez-vous et s’excuser de son « retard présidentiel ».

Je vous dirais bien qu’il est parano mais quand on pense au pourcentage de présidents africains qui meurent assassinés, on se dit que finalement, peut-être pas tant que ça…

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