Ici,
vous l’aurez compris, les fins de mois sont difficiles et surtout
les trente derniers jours. Un gardien travaillant à
temps-plus-que-plein gagne entre 30.000 et 100.000 Fbu par mois,
selon qu’il est employé par des Burundais ou des Bazungu. (Dans le
premier cas, il est également très probable qu’il se fasse
traiter comme un chien, la profession n’est pas très bien vue…).
Comprenez que nos gardiens sont assez contents de travailler pour
70.000 Fbu (35€, donc) et d’être considéré, pas vraiment comme
des potes, mais au moins comme des êtres humains.
Pour
continuer un peu sur les salaires, je sais qu’un officier de la
force de défense nationale gagne 150.000 Fbu par mois (80€) – le
Président se prémunit ainsi contre les coups d’état – alors
qu’un policier est payé 60.000 Fbu, une somme qui le motive donc à
extorquer de l’argent dès qu’il le peut. Si un policier vous
fait signe de vous arrêter, vous avez tout d’abord le choix de
filer en vitesse, vous ne risquez rien. Si vous vous arrêtez, il
contrôlera attentivement vos papiers et votre véhicule, cherchant
le détail qui lui permettra de vous coincer. S’il en trouve un,
vous le remarquerez en voyant son visage se fendre d’un large
sourire.
L’amende,
comme toute chose, est négociable. Il commencera par vous demander
une somme de 50.000 Fbu, vous êtes alors en droit de lui rire au
nez. Vous lui demandez ensuite une facture, ce qui oblige le policier
a sortir son cahier de reçus s’il a pensé à l’emmener et
réduira l’amende à son prix véritable, soit 20.000 Fbu. C’est
beaucoup par rapport à un salaire moyen, certes, mais rappelez-vous
qu’elle ne touche que l’infime pourcentage de la population qui
est assez aisé pour posséder une voiture. Avant que vous n’ayez
le temps de sortir votre portefeuille, le policier vous proposera un
arrangement « à l’amiable », filez-lui 2.000 balles et
on n’en parle plus. Vous voulez vraiment le faire chier ?
Payez les 20.000 francs.
Cette
corruption est assez visible, bien que j’avoue n’y avoir jamais
été confrontée directement, contrairement à l’immense majorité
de mes amis. Les malversations économiques se font plutôt sous le
manteau mais n’en sont pas moins visibles : si le dojo qui est
au bout de ma rue n’a qu’un toit mais pas de murs, ce n’est pas
pour l’aération, c’est parce que la personne en charge du
chantier a, pour reprendre les termes de mon pote journaliste, « fait
un usage personnel de cet argent ».
De
même, deux de mes amis travaillent pour des associations locales qui
détournent des fonds, par exemple en forçant les bénéficiaires à
signer des reçus de l’argent qui leur est destiné (versé
directement par de gentils parrains français) et se le mettront sans
vergogne dans la poche. Quand ils en ont fait part à leur
responsable sur place, celui-ci a sorti le chiffre aberrant de 60%.
Près de deux tiers des associations locales détourneraient de
l’argent. (Note : j’emploie bien le conditionnel car je
n’en ai aucune preuve tangible. En outre, si cela se savait, les
dons cesseraient et les bénéficiaires seraient encore plus dans la
merde.)
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